Concernant les actions des pollueurs, nous avons en tête le cas de l’industriel installé le long d’un cours d’eau qui y déverse des polluants. Ils sont acheminés tout le long de la rivière, du fleuve jusqu’à la mer. De même, la combustion d’une énergie fossile émet plusieurs polluants, parmi lesquels les oxydes d’azote ou de soufre. Ces éléments se combinent avec l’eau des nuages pour créer de l’acide sulfureux et de l’acide nitrique. La pluie, en tombant, déverse ces acides sur un vaste territoire voisin, ce qui dégrade l’environnement.

Dans cette logique des effets négatifs et positifs sur l’environnement, que penser du véhicule électrique ou du chauffage au bois ?

Tout le monde sait que le véhicule électrique n’émet aucune pollution. Quoique ? Que penser des batteries de ces véhicules, et des émissions dégagées par les centrales électriques qui les alimentent ? Surtout lorsque l’énergie provient du charbon ! Dans ce cadre, l’ADEME (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie) a réalisé une analyse du cycle de vie des différents véhicules. Cette étude nous montre que, pour un véhicule électrique, la fabrication de la batterie, celle des autres composants, et la recharge de la batterie, contribuent chacun d’environ un tiers au changement climatique. La batterie dans sa conception, son process de fabrication et dans sa fin de vie a donc un impact important sur l’environnement. Dans son étude, l’ADEME considère qu’un véhicule ayant roulé 100 000 kilomètres émet environ 10 tonnes de CO2eq (potentiel de réchauffement d’un gaz à effet de serre par équivalence avec le CO2), là où un véhicule thermique en émet 19 tonnes.

Cependant, ce calcul est fortement lié à la façon dont est produite l’électricité qui alimente le véhicule électrique. En France, où le mix électrique est décarboné à plus de 90%, la production d’un kilowatt-heure électrique génère environ 110 grammes de CO2eq/kWh, là où, en Allemagne, il faut 623 grammes de CO2-eq/kWh. Dans ce contexte, un véhicule électrique en Allemagne est aussi polluant qu’un véhicule diesel nouvelle génération. Autre phénomène, si le véhicule électrique est rechargé la nuit en France, le kilowatt-heure est quasiment décarboné à 100 %. S’il est chargé en pointe, il est produit à partir de centrales thermiques plus carbonées. Or, nos collectivités œuvrent à l’installation de bornes de recharge électrique qui seront utilisées en pleine journée, donc principalement en heures de pointe. Les politiques publiques en faveur des bornes de recharge ne contribueraient-elles pas à dégrader la faible pollution des véhicules électriques ? Enfin, le véhicule électrique est un mode de transport plutôt urbain et sa production énergétique est rurale. Donc les 110 grammes de CO2eq/kWh consommés par un véhicule électrique sont dissipés dans les lieux ruraux où se trouvent les centrales électriques.

Le véhicule électrique est un véhicule plutôt moins polluant que le véhicule thermique, si le kilowatt-heure électrique est fortement décarboné et… s’il reste décarboné. De plus, il dépollue complètement l’agglomération où il est utilisé, et pollue là où sont implantées les centrales électriques, c’est-à-dire en territoire rural.

Chauffage au bois, ennemi de l’urbain

Qu’en est-il du chauffage au bois ? Le bois émet lors de sa combustion moins de CO2 qu’il n’en absorbe lors de sa croissance. Donc, sous réserve de replanter les arbres qui ont été coupés, le chauffage au bois est vraiment vertueux et non polluant. Mais… ce n’est pas si simple. Des esprits chagrins commencent à s’émouvoir des particules fines émises par le chauffage au bois. Ainsi, l’association « Atmo Rhône-Alpes » indique que, sur son territoire, « en 2013, le secteur domestique individuel représente 33 % des émissions de PM10 (particules de diamètre inférieur à 10 microns) dont 97 % sont issues de la combustion du bois ». De son côté, le 22 février dernier, la DRIEE (Direction régionale et interdépartementale de l’environnement et de l’énergie d’Ile de France) a interdit l’utilisation du chauffage individuel au bois d’appoint et d’agrément à cause des émissions PM10. Ainsi, les grosses agglomérations commencent à vouloir réglementer l’usage du chauffage au bois. Cela s’explique par le mécanisme suivant : le bois pousse majoritairement à la campagne ; c’est donc à la campagne que le CO2 est absorbé par le bois, mais c’est sur le lieu de combustion que le chauffage émet son CO2 et ses particules fines. Il existe donc un intérêt divergent entre les agglomérations et le monde rural où pousse le bois. Ainsi le chauffage au bois et le véhicule électrique ont-ils des effets inverses sur les agglomérations et sur les territoires ruraux. Comment, dans cette logique, ces deux techniques vont-elles évoluer ? La transition écologique se fera-t-elle dans une logique de solidarité des territoires ou verra-t-on une domination des agglomérations sur le rural ?

(Cet article a été produit pour la FEE Libre, organe trimestriel de la Fédération européenne de recherche sur l’éducation et l’écologie de la personne et de ses applications sociales, et publié avec son aimable accord.)

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