La Lorraine, quoique largement victime du repli sidérurgique, conserve un atout de tout premier plan : son site de recherche de Maizières-lès-Metz. L’aventure y a débuté voici juste 60 ans, et n’a depuis plus cessé de s’élever à des niveaux de compétence reconnus au niveau mondial. À un point tel que le groupe international Arcelor-Mittal en a fait l’un des campus majeurs de sa fonction recherche et développement. De quoi célébrer ce 60e anniversaire en regardant l’avenir avec confiance et efficacité.

Pas moins de 28 nationalités de chercheurs et ingénieurs sont réunies le long de la voie Romaine à Maizières-lès-Metz. Là même où en 1958, à la place d’un ancien crassier, l’IRSID a accompli ses premiers pas, amenant en Lorraine le savoir technologique cruellement nécessaire depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. La sidérurgie nationale, afin de relever le défi des « Trente Glorieuses » qui s’annoncent, éprouve le besoin de façonner de nouveaux produits et d’affiner ses process. Ainsi la maison mère voit-elle le jour en 1948 à Saint-Germain, avant de s’installer en Lorraine dix ans plus tard. En soixante ans, et malgré les vicissitudes endurées par la mono-industrie, l’IRSID n’a cessé de mettre au point des produits, des pratiques et des process innovants, souvent économiquement plus efficaces, afin d’aider les usines productrices dans leurs fabrications, et leurs clients à mieux intégrer l’acier dans leurs entreprises. Le campus de recherche de Maizières-lès-Metz fête donc ses 60 ans d’innovation et d’expansion de ses activités. Loin de s’arrêter là, il est entré de plain-pied dans l’ère des nouvelles technologies et de l’Industrie 4.0 afin de développer de nouveaux aciers et procédés de fabrication, toujours plus performants. La recherche et développement (R&D) d’Arcelor-Mittal constitue l’arme technologique du groupe et a pour mission de créer de nouveaux aciers, d’améliorer la performance et la qualité des produits existants, et d’aider les usines à industrialiser les nouveaux produits et à gagner en efficacité et productivité. Ce dispositif R&D ne compte pas moins de dix sites de recherche en Amérique du Nord, Amérique du Sud et en Europe. Parmi les 1 400 chercheurs de l’organisation de recherche du groupe, Global R&D, plus de 800 sont basés en France. En 2017, les dépenses de R&D étaient de 278 millions de dollars dans le monde, dont la moitié (139 millions de dollars, soit environ 123 millions d’euros) en France. Pilier majeur de l’organisation R&D d’Arcelor-Mittal, le campus de Maizières constitue aujourd’hui le plus grand site de recherche du groupe dans le monde, avec plus de 600 chercheurs. Le rayonnement de ses activités est mondial.

Le défi du carbone relevé

Sur les 24 hectares du foncier maizièrois, Arcelor-Mittal Research dispose désormais de 51 000 mètres-carrés couverts. 600 personnes y travaillent, y compris des thésards, des apprentis et des stagiaires. Le site joue aussi pleinement la carte du réseau et entretient des partenariats avec l’Université, les grandes écoles, les laboratoires et bien entendu… les fournisseurs. Ce campus original travaille tout à la fois sur les process industriels, les produits, les mines, et possède désormais son propre atelier « bars and wires », transplanté du site de Gandrange. Il est maintenant à même de reproduire les exigences et problèmes de la coulée continue d’acier, avec son aciérie d’une capacité de six tonnes de métal. Ce qui permet une recherche pratique et crédible bien plus proche des réalités industrielles. Le site développe ses activités en faveur de tous les secteurs économiques qui recourent à l’acier : l’automobile, l’emballage, la construction… C’est dire la diversité des problématiques qu’il affronte et s’emploie à faire évoluer finement et économiquement. Sans oublier le volet environnemental, qui est une priorité pour le monde sidérurgique très fortement confronté à la question de la pollution carbone et au cortège des sanctions qui l’accompagne. À Maizières-lès-Metz, tout un atelier est dédié à la recherche pour la baisse des émissions carbonées dans les process. Lorsqu’on sait qu’une tonne d’acier génère deux tonnes de carbone, et que la sidérurgie représente 4 % des émissions de carbone dans le monde, les enjeux sont d’importance. Dans le cadre du projet ULCOS – qui, dans l’esprit de beaucoup, devait permettre de sauver les haut-fourneaux de Hayange en injectant les émissions carbonées dans le sous-sol régional – toute une recherche a été enclenchée. Pas moins de 70 process ont été mis à l’étude, tel le haut-fourneau à recyclage destiné à réutiliser son CO2 après l’avoir décarboné. Ses résultats sont prometteurs : moins 25 % de carbone, même si d’autres problèmes connexes se sont manifestés, comme les phénomènes de corrosion de l’acier. De nouvelles pistes de recherches sont explorées, comme la production de l’acier grâce à un flux électrique, qui permettrait de passer directement du minerai à l’acier sans émission de CO2. Arcelor-Mittal Research en Lorraine travaille aussi sur des lignes d’emboutissage à chaud, qui permettent également une réduction du CO2, et conduisent une industrie de plus en plus numérique, dite « 4.0 ». Car, face à la révolution technologique en cours dans le monde de l’industrie et au recentrage de métier de certains de nos marchés clients, la R&D élargit sa palette de compétences et l’étend aux fonctions de design, liées à la digitalisation et au « big data », afin de toujours mieux répondre aux besoins des clients et de l’Usine 4.0.

Des aciers toujours plus complexes

La R&D d’Arcelor-Mittal se divise en trois secteurs de recherche : procédés, produits, applications et solutions Acier. Des missions d’appui technique auprès des usines du groupe et auprès des clients entrent aussi dans le champ d’activité du campus. Les trois domaines dans lesquels la recherche du groupe se concentre sont le maintien de la compétitivité de l’acier par rapport aux matériaux concurrents – plus particulièrement chez les clients automobiles, marché phare du groupe – ; la mise au point de produits de niche afin d’augmenter la part non-auto des segments du groupe ; et une contribution croissante aux programmes de gains de gestion d’Arcelor-Mittal et de réduction de l’empreinte environnementale du groupe, par une recherche destinée à améliorer ses procédés de fabrication et le pilotage des unités opérationnelles. Selon que l’acier est destiné à être utilisé dans le bâtiment, l’électronique, la construction l’automobile, l’emballage, ou l’énergie, il doit présenter des caractéristiques différentes, adaptées à chaque domaine, mais aussi de plus en plus techniques. L’amélioration permanente des propriétés d’usage de l’acier est au cœur de la R&D sidérurgique. L’acier de demain sera composé de fer, mais aussi d’éléments d’alliages dosés toujours plus finement et de traitements thermomécaniques au cours de la fabrication. Ceux-ci donneront à l’acier une structure interne plus complexe permettant d’apporter et de combiner des caractéristiques très précises comme la très haute résistance et la formabilité. L’acier de demain, ce sera aussi la fonctionnalisation des surfaces, avec des revêtements spécifiques qui donneront de meilleures propriétés et plus de valeur aux produits. Enfin, cet acier pourra être utilisé comme matière première de l’impression 3D, soit sous forme de poudre, soit sous forme de fil, pour la réalisation de pièces complexes. L’usine du futur sera économe en énergie, en matières premières, et respectueuse de l’environnement en limitant les rejets, les émissions et les coproduits. Elle sera pilotée au plus près grâce à une digitalisation poussée de ses différentes étapes de production – implantation de modèles et d’outils de conduite de ligne, contrôle en temps réel, analyse de données de masse, interconnexion entre usines et R&D – qui permettra de réagir au plus vite et d’anticiper les résultats. Elle sera organisée pour fabriquer des produits différenciés de manière de plus en plus flexible. La fabrication de l’acier continuera de suivre une filière de fabrication classique, plus éco-responsable. À plus long terme, la fabrication de l’acier pourrait être totalement repensée et s’orienter vers des procédés sans émission de CO2, faisant appel à la technologie de l’électrolyse. C’est la voie dans laquelle l’un des laboratoires de Maizières-lès-Metz s’est engagé.

Accompagner partout les clients

Frédéric Grein, Directeur général du campus de Maizières-lès-Metz a indiqué, en accueillant de nombreuses personnalités lors de l’événement festif anniversaire du site : « Depuis 60 ans, le campus de Maizières-lès-Metz a su s’adapter, accueillir de nouvelles compétences et fertiliser les échanges entre les différentes activités de recherche. Son champ d’action couvre la quasi-totalité des activités du groupe, des mines jusqu’aux nouveaux produits, en passant par les procédés de fabrication de l’acier. » De même, Jean-Luc Thirion, Directeur de la recherche et du développement pour l’automobile et l’industrie d’Arcelor-Mittal, n’a pas caché que « la recherche et le développement du groupe sont mondiaux. Ils accompagnent les clients partout. La conception de produits innovants et la mise au point de nouveaux procédés, assortis de nouveaux investissements, confirment la position privilégiée du campus de Maizières-lès-Metz, élément stratégique du réseau R&D au service de l’ensemble des unités du groupe ».

Une organisation et des produits phares

Une nouvelle organisation du campus de Maizières-lès-Metz pour la recherche-produits a été mise en place en juin dernier, avec la création du centre de recherche Maizières Products. Il intègre les activités de recherche destinées à l’automobile (Automotive products) et à l’emballage (Packaging). Les missions du centre Maizières Products sont de trois ordres : développer de nouveaux produits qui répondent aux besoins d’aujourd’hui et demain des clients et permettent au groupe de rester leader sur les marchés auto et packaging, grâce à une offre étendue de produits de haute technicité et à leur différenciation par rapport à la concurrence ; accompagner les clients dans l’introduction de nouveaux produits en fournissant les préconisations d’utilisation de ces aciers ; et assurer un appui technique chez les clients en réponse à leurs demandes. 235 chercheurs travaillent à Maizières Products pour l’activité automobile, et près de 80 nouveaux produits sont en moyenne et simultanément en cours de développement, dont une quinzaine prêts à être mis sur le marché d’ici fin 2018. Les lignes directrices de la recherche pour l’automobile demeurent la performance, l’allègement et les coûts. En matière d’allègement, le campus prépare la satisfaction des futures réglementations applicables en 2030, qui prévoient une diminution de 30 % des émissions de CO2 par rapport à celles fixées pour 2021 ! Les aciers à très haute résistance restent au centre de la recherche dans le domaine automobile. Ceux-ci se caractérisent par une résistance mécanique de plus en plus élevée, multipliée par 4,5 en 20 ans.Il n’existe pas à ce jour d’autres technologies permettant de réaliser des pièces complexes avec des aciers aussi résistants. Ce qui explique leur succès commercial à l’échelle internationale. Pour maintenir le leadership du groupe dans les PHS, un déploiement mondial de la gamme de ces produits a été réalisé tant sur la métallurgie – avec la mise au point de l’Usibor® 2000 et le Ductibor® 1000 –, que sur les revêtements – avec notamment la mise au point de l’Ultraprotect®, qui répond à des exigences de corrosion extrêmes. Le sexagénaire a du ressort !

Gilbert Mayer

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