S’il est une politique prioritaire sur le bureau de la Région Grand-Est, c’est bien celle des mouvements et transports. Mireille Gazin, la vice-présidente en charge de ce colossal et très réactif dossier, lève le voile sur une stratégie régionale à 465 millions d’euros par an pour les seules liaisons ferroviaires et sur l’engagement en faveur du trafic transfrontalier vers le Grand-duché.

Fédératrice de quarante autorités organisatrices de transports (AOT) dans l’espace Grand-Est, la Région s’emploie à mettre de la cohérence dans ces dispositifs de mobilité et de transports. Une charte a donc été signée, tandis que le grand schéma régional d’aménagement et de développement durable du territoire (STRADET) sera présenté en décembre à l’assemblée régionale pour décision et surtout mise en application. Malgré les enjeux de ce STRADET, le Grand-Est n’a pas attendu l’aboutissement de sa procédure pour s’engager dans différentes voies, sachant que certaines sont brûlantes. Ainsi en va-t-il de la liaison du Sillon lorrain vers le Grand-duché, qui vit des heures difficiles, des moments de pointe irritants et parfois des désordres accablants pour les usagers. De tous les côtés monte la récrimination, afin qu’une action vigoureuse soit engagée pour accroître le service et sa qualité. Bien entendu dans une Grande Région qui vit avec 760 km de frontières différentes, la question est très loin d’être neutre. La résolution des problèmes, en particulier celui posé par les déplacements pendulaires passe par une coordination avec les pays voisins concernés, et un effort tout particulier en direction ou en provenance du Luxembourg. L’équation a été posée par les autres articles de ce dossier, mais la croissance attendue des déplacements montre bien qu’il convient d’agir vite et ferme. « Nous portons un effort intense sur la destination luxembourgeoise » souligne Mireille Gazin, la vice-présidente de la Région en charge des transports et de la mobilité. Elle même originaire du nord lorrain transfrontalier mesure parfaitement les problématiques vécues au quotidien par tous les Lorrains qui partent travailler au Grand-duché.

Partenariat petite vitesse

Un protocole d’accord a été signé avec l’état luxembourgeois, qui comprend un engagement de 110M€ de sa part en matière ferroviaire (et 10M€ sur le volet routier). Malgré la relative modestie de ces fonds eu égard aux enjeux transfrontalier qui sont au cœur du problème, ces moyens vont néanmoins permettre de contribuer à mener à bien la stratégie ferroviaire de la Région. Celle-ci s’orchestre en deux mouvements : 2024 et 2030. Au passage, la vice-présidente Gazin en profite pour s’étonner de ce que la contribution fiscale des travailleurs transfrontaliers au Grand-duché étant de 1,5 milliard d’euros, le partenariat avec le Luxembourg soit si limité. Néanmoins dans le cadre de ce protocole, qui débouche sur des travaux comme les allongements de quais permettant d’accueillir de plus longues rames, la Région s’engage à hauteur de 25%, quand le Luxembourg met 50% et l’Etat français 25%. Pas moins de six gares vont bénéficier de cet traitement d’accroissement de capacité en passant de 200 à 300 mètres. Des renforts en alimentation électrique des caténaires, nécessitant l’installation de sous-stations seront menés. Toutes interventions confondues, qui avec l’achat des nouvelles rames à capacité mille voyageurs, vont permettre d’ici 2024 de passer le 9 000 à 13 000 voyageurs par jour et d’ici 2030 à 25 000 passagers quotidiens. La création d’un sas destiné à accueillir les convois de fret devant permettre de mener à bien la montée en puissance du cadencement.

Les mains libres

100 millions d’euros ont été mis sur la table par le Grand-Est pour acheter à la Région Normandie seize rames “Bombardier“ à capacité de mille voyageurs. La première arrivera en 2021 et sera équipée du système européen  “European rail  traffic management system“ (ERTMS) destiné à autoriser la gestion des signalisations à bord en tenant compte de la vitesse. Le dispositif permettant de circuler sur les réseaux européens avec des trains intelligents et donc plus sûrs. Reste qu’il faut équiper les nouvelles rames et que cela a un coût et impose un temps de montage des câblages et boitiers. La flotte devrait être au complet en 2024 et venir en renfort des actuelles 25 rames à capacité respective de 330 passagers et des quatre rames des CFL (luxembourgeoises) pour offrir un nouveau souffle au déplacement quotidien par le rail. Rappelons que, parallèlement, la Région engage 90 millions d’euros dans la conversion des anciens ateliers de wagons de Montigny-lès-Metz, pour en faire un centre de maintenance moderne et centralisé des TER. Si la Région s’engage financièrement seule dans cet investissement, c’est afin d’anticiper les futures règles de concurrence qui vont investir le monde ferroviaire et à ce moment-là, de ne pas se retrouver pieds et poings liés avec la compagnie nationale. Tous ces efforts doivent aussi s’accompagner d’une montée en puissance du cadencement des trains. L’objectif est de passer aux heures de pointe à un convoi toutes les 10 minutes au départ de Thionville (six trains consécutifs) et de Metz (quatre trains l’un derrière l’autre).

14% de tous les mouvements

Actuellement, les usagers du TER acquittent 27% du prix réel du billet, mais compte tenu de la densité des passagers à bord de certains trains, cette contribution flirte avec les 50 %. Ce qui est colossal. « Nous avons les transports ferroviaires les moins chers de France » se réjouit du coup Mireille Gazin, qui y voit aussi un succès des deux cartes “Primo“et “Presto“, respectivement dédiées aux moins de 26 ans et à ceux qui sont au-dessus de cette barre d’âge. Ce coût final pour les usagers plutôt contenu, malgré l’intensité avec laquelle ils concourent au budget global du mouvement, explique aussi la croissance de la fréquentation : « La ligne Metz-Luxembourg pèse 14% de tous les mouvements du Grand-Est. C’est très important » insiste la vice-présidente. Très prochainement s’imposera la gratuité côté luxembourgeois, mais cette mesure n’est pas imaginable côté Grand-Est, compte tenu de son coût, et de ce que les centaines de millions d’euros payés en impôts au Luxembourg par les transfrontaliers, ne sont pas réinjectés côté français. Il y est donc moins facile d’offrir la contribution zéro, quand le voisin se pare de la toge du généreux. A partir de ce 15 décembre, douze rames équipées du système européen de gestion vont accomplir la liaison quotidienne vers Luxembourg, ce qui obligera ici ou là à changer de train, mais pas forcément de quai. La nouvelle donne régionale Grand-Est en faveur du recours au ferroviaire est en train de singulièrement changer de braquet grâce aux efforts financiers sans précédents accomplis par la Région. La satisfaction de l’appel de main d’œuvre et des savoirs destinés à faire fonctionner une économie grand-ducale très active, passant forcément une réponse ferroviaire bien scandée et complémentaire des autres modes de mobilité.

Gilbert Mayer

ANGLE

Accélération du volet route

Le Grand-Est a anticipé la prise de compétence des mobilités routières qui lui est dévolue. La Région a mis sur la table 265M€ pour assumer ses responsabilités et ainsi assurer une bonne irrigation complémentaire des territoires. Voulu par Jean Rottner, le Président, ce dynamisme se traduit en secteur du sillon lorrain par l’existence des trois lignes de bus Metz-Belval, mais également des lignes circulant dans le sens Luxembourg-Metz ou encore au départ de Thionville. C’est aussi une contribution à la constitution d’un grand service de transport unifié et qui n’élude pas les territoires ruraux du Grand-Est.

200 trains de plus en TER-long parcours

Des TER “long parcours“ ont par ailleurs été mis en ligne avec la Sncf, pour pallier la disparition des “Intercity“. L’exemple de la liaison Strasbourg-Ile de France est représentatif de cette politique qui propose un aller-retour le matin et un autre l’après-midi/ Résultat : croissance de 7% de la fréquentation en deux ans. Le bon cadencement de cette offre ferroviaire-là s’est soldée par l’ajout de… 200 trains en plus par an !

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