C’est demain. –  Qui est Fanny Feller, une femme dans l’industrie ?

Fanny Feller. –  Depuis six ans, je dirige le pôle formation de l’IUMM Lorraine qui forme aux métiers de l’industrie. Depuis sa création, je suis la première femme à diriger cet organisme, et j’aimerais que cela ouvre la voie aux femmes et aux jeunes filles qui voudraient trouver leur voie professionnelle dans ce secteur. Mes fonctions sont toutes tournées vers cet environnement qui est un des secteurs les plus innovants du moment. Hormis mon activité professionnelle, j’ai une passion pour la course de fond. Ainsi, levée aux aurores, j’enfile mon jogging et à six heures,  je parcours  les kilomètres  pendant 30 à 45 mn afin d’assurer la forme pour la journée. Vous voyez, l’esprit va s’équilibrant  avec la gymnastique du corps. A cela s’ajoute ma passion pour les voyages, mais depuis une année maintenant, cette activité reste en stand by dans l’attente de jours meilleurs, qui ne vont pas tarder !

C’est demain. –  Comment avez-vous géré vos activités et assuré la gestion de votre centre pendant la durée du Covid ?

Fanny Feller. – Etant un établissement recevant du public, nous étions bien entendu sous le coup d’un arrêté préfectoral qui nous interdisait de recevoir du public du jour au lendemain. Nous nous sommes retrouvés avec tous nos stagiaires, nos formateurs et nos apprenants dans une situation dantesque. Comment poursuivre nos enseignements dans cette situation ? Il était pour moi impossible de laisser nos apprenants dans une configuration où la transmission des savoirs ne se peut se limiter à des mails, des relations téléphoniques ou  des visio-conférences.

Nous avons donc pris la situation à bras le corps et nous avons digitalisé notre travail, grâce notamment à une digitalisation qui existait déjà en amont par le biais d’une plateforme numérique. Nous avons accéleré celle-ci avec le concours de tous les salariés du centre de formation. Tous nos jeunes se sont retrouvés dans une configuration identique à leur salle habituelle. La seule limite a été   bien entendue les travaux pratiques sur les machines. Mais nous avons trouvé la parade par la mise en place de tutoriels vidéos et de mises en situation dans les ateliers pour se rapprocher au plus près de la réalité. Ainsi tous les salariés, les apprentis et  tous les demandeurs d’emploi ont pu bénéficier de  leur formation intégrale  à distance. Nous sommes fiers d’avoir su transposer le réel en virtuel et assurer toutes nos formations pour le bénéfice de tous.

C’est demain. –  Avec 495.000 contrats signés dans le privé, l’année 2020 est la meilleure jamais connue en France pour l’apprentissage, même si les aides à l’embauche du gouvernement y sont pour beaucoup. Où en sommes-nous de l’apprentissage aujourd’hui dans notre région ?

Fanny Feller. : Dans l’industrie, nous sommes aussi repartis à  la hausse  des effectifs, due essentiellement à une volonté politique affirmée de soutenir ce secteur créateur d’emplois,  en France comme d’autres pays comme l’Allemagne. On peut se souvenir de la mauvaise image qui collait à l’apprentissage qui semblait se destiner aux « mauvais élèves », alors que c’est véritablement une filière d’excellence. Dans le secteur industriel, un énorme travail de communication a été engagé pour dynamiser les filières auprès des prescripteurs, parents, missions locales, éducation nationale qui étaient restées sur des images surannées. A force d’engagements et de convictions, nous avons su prêcher la bonne parole et les résultats sont encourageants.

C’est demain. – Que pensez-vous des mesures proposées par le gouvernement pour contribuer au maintien de l’embauche en alternance ?

Fanny Feller. :  Le gouvernement vient de prolonger les aides à l’apprentissage jusqu’à la fin de l’année. Il faut s’en féliciter. D’une part, ces  aides pour les moins de  26 ans sont  un véritable catalyseur pour les entreprises. Celles-ci  auraient  sans doute hésité à recruter si elles ne pouvaient pas bénéficier de ces  aides, car le tutorat réclame un investissement de formation lourd pour l’entreprise.  D’autre part, l’autre coup de pouce  reconduit et qui est  à signaler, c’est la possibilité pour les centres d’apprentissage de pouvoir conserver  les jeunes qui n’ont pas pu trouver de contrat d’apprentissage. Nous avons la possibilité de les garder pendant 6 mois. Dans ce domaine, nous avons pu placer 100 % de ces jeunes qui se trouvaient dans cette situation au sein des entreprises locales.

 

C’est demain. –  Comment à votre avis les entreprises doivent-elles s’emparer de l’outil «apprentissage»?

Fanny Feller. – L’outil apprentissage est un engagement permanent pour gérer ses effectifs. Il doit faire parti de la stratégie de l’entreprise. Une entreprise ne doit pas attendre le départ d’un collaborateur en retraite pour penser à recruter. Cela doit se travailler en amont, et l’apprentissage est une source de solution. Pour exemple, une entreprise qui vient de décrocher un marché important à l’export qui sera effectif dans un an, et qui a besoin de recruter, peut se tourner vers l’apprentissage pour diffuser sa culture d’entreprise au nouvel arrivant,  plutôt que de se diriger vers un recrutement en flux tendu qui peut, ne pas présenter tous les avantages pour les deux parties. L’apprentissage doit accompagner la vie de l’entreprise et c’est le message que nous nous efforçons de diffuser auprès de nos partenaires.

C’est demain. –  Pensez-vous que l’Education nationale  joue son rôle et fait tout pour promouvoir l’apprentissage ?

Fanny Feller. : Cela n’a pas toujours été le cas, mais la situation a bien évoluée depuis ces dernières années. Nous sommes tous d’accord pour nous accorder que la finalité des enseignements est de déboucher sur un emploi en fonction des profils de chacun, pour effectuer soit des études courtes ou des études plus longues. Chacun doit pouvoir trouver sa voie en fonction de ses compétences et de ses choix. L’éducation nationale est beaucoup plus ouverte aujourd’hui.  Elle joue pleinement son rôle et nous accueille régulièrement au sein des établissements pour présenter les métiers de l’industrie. Dans le secteur de la formation continue, nous accompagnons les salariés tout au long de leur carrière. C’est dans l’industrie que l’on voit les plus belles carrières.  Il n’est plus rare  de démarrer au bas de l’échelle,  d’obtenir des  qualifications et d’accéder à la direction de l’entreprise.

C’est demain.   Quels conseils pourriez-vous donner aux parents et aux apprentis  qui recherchent une alternance pour septembre 2021?

Fanny Feller. – Nous organisons régulièrement des portes ouvertes où nous accueillons les parents pour les informer des opportunités qui existent. Nous accueillons bien entendu  les jeunes en entretien afin  examiner leur projet  professionnel pour le présenter à nos partenaires.  Début mars, nous avons 300 entreprises qui recherchent  des apprentis. D’ici juin, 1500 postes seront à pourvoir. Je conseille déjà aux jeunes de se manifester dès maintenant.  Malheureusement nous avons très peu de filles, à peu près 5% des effectifs. C’est une vraie carence mais nous travaillons à augmenter nos effectifs.

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